ENTRETIEN EXCLUSIF | Mère Yvonne Reungoat : « La synodalité, une conversion des relations dans l’Église »

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Religieuse française de renom, Mère Yvonne Reungoat a marqué l’histoire de l’Église comme première femme nommée par le Pape François au dicastère pour les évêques en 2022, après avoir été Supérieure générale des Filles de Marie-Auxiliatrice (Salésiennes de Don Bosco) pendant douze ans. Figure respectée pour sa sagesse et son leadership, elle a participé activement aux deux sessions du synode sur la synodalité, apportant une voix féminine précieuse dans les délibérations. « Le fil conducteur de tout le document, c’est la conversion du dialogue, le changement de relation dans l’Église, la conversion des relations, » affirme-t-elle à propos des conclusions du synode, soulignant l’importance capitale de ce processus pour l’avenir de l’Église catholique.

Mère Yvonne Reungoat partage son regard sur les orientations du synode sur la synodalité et l’avenir de l’Église.


SCV : Quelles sont, selon vous, les orientations essentielles délivrées aux évêques après le synode sur la synodalité ?

Mère Yvonne Reungoat : Le fil conducteur de tout le document est la conversion du dialogue et des relations dans l’Église. Il s’agit de favoriser la participation à tous les niveaux et de privilégier une approche de proximité — non seulement avec les fidèles, mais aussi avec ceux qui sont en marge de l’Église, qui l’ont quittée ou qui n’y ont jamais été. Cette ouverture s’étend également au dialogue interreligieux.

Le document met également l’accent sur les relations entre toutes les vocations dans l’Église : les enfants, les jeunes, les familles, les couples. C’est véritablement une invitation à repenser notre façon d’être en relation les uns avec les autres.

SCV : Craignez-vous qu’avec un nouveau pontificat, ces orientations puissent être écartées ?

Mère Yvonne Reungoat : J’espère sincèrement que non, et je crois que ce n’est pas possible. Ce processus a duré trois ans et est parti de la base — des paroisses et des communautés chrétiennes — avant de remonter au niveau des conférences épiscopales, puis aux niveaux national, continental et universel à travers deux assemblées. S’agissant d’un processus de discernement aussi approfondi, il me semble impossible de simplement l’écarter.

De plus, le document final a été approuvé par le pape comme magistère ordinaire de l’Église, ce qui lui confère une autorité particulière et implique qu’il doit être appliqué. Cela dit, je ne prétends pas que c’est impossible, car il existe des résistances…

SCV : Après trois années comme membre du dicastère pour les évêques, quelle leçon tirez-vous concernant la place des femmes ?

Mère Yvonne Reungoat : Au dicastère pour les évêques, nous avons été intégrées à part entière, au même titre que les cardinaux et les évêques, dans le processus de nomination des évêques. Je m’y sens à l’aise, même si au début j’éprouvais une certaine appréhension face à cette responsabilité et aux aspects qui pouvaient m’échapper.

La confiance placée en nous est remarquable. On nous confie, comme aux cardinaux et aux évêques, la préparation des dossiers lorsqu’il faut discerner pour un évêque dans un diocèse. Chaque fois, quelqu’un est chargé d’étudier en profondeur tous les dossiers et d’examiner toutes les lettres des informateurs.

SCV : Le pape François vous consultait-il beaucoup pour la nomination des évêques ?

Mère Yvonne Reungoat : C’est à nuancer. Il écoutait beaucoup, mais prenait ensuite ses décisions. Heureusement qu’il avait cette capacité, sinon certaines avancées n’auraient pas eu lieu. Par exemple, la nomination des femmes à certains postes de responsabilité n’aurait pas été possible sans sa liberté intérieure, sa liberté évangélique et son audace, motivées par sa vision du bien de l’Église.

Personne n’est unilatéral dans ses positions. Le Synode a d’ailleurs souligné les progrès réalisés sur le plan de l’œcuménisme, comme l’ont reconnu les représentants d’autres églises. L’ouverture à l’œcuménisme et au dialogue interreligieux sont des chemins que l’Église ne peut se permettre d’abandonner.

SCV : Qui pourrait incarner la poursuite de ce chantier synodal ?

Mère Yvonne Reungoat : Le cardinal Aveline possède une solide préparation théologique et une riche expérience pastorale. Marseille constitue un véritable laboratoire, notamment pour le dialogue interreligieux avec les musulmans et les différentes églises. Des rencontres systématiques entre les responsables des différentes religions y sont organisées.

Marseille reflète aussi la diversité du monde avec sa population immigrée venue de nombreux horizons et fait face à d’importants seuils de pauvreté. Le cardinal a également initié le dialogue méditerranéen. C’est un homme de relation.

Il y a aussi le cardinal Grech, secrétaire général du Synode, qui incarne la continuité de la synodalité. Bien que Malte soit une petite réalité, son rôle au Synode lui a permis de voyager sur différents continents et de rencontrer diverses églises, ce qui a considérablement élargi sa vision.

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